L’entretien avec Marcel Pérès mené par Dawid Gospodarek pour KAI (Katolicka Agencja Informacyjna) :

Dawid Gospodarek (KAI): La fête du Christ Roi est assez nouvelle dans l’Eglise, elle a été introduite au début de 20me siècle, et reformée pour la Nouvelle Messe après le dernier concile. D’où vient l’idée d’y appliquer le chant vieux-romain ?

Marcel Pérès : L’idée de célébrer la fête du Christ Roi en plongeant dans les inépuisables ressources du répertoire vieux-romain est arrivée d’elle-même comme un don de la Providence. Nous souhaitions, avec Julia Piwakowska organiser une session sur ce répertoire, fondamental pour l’histoire du chant ecclésiastique et pourtant encore méconnu. Or, il est apparu que les dates prévues pour ces sessions correspondaient avec celles de la célébration de la solennité du Christ Roi. J’ai tout naturellement pensé qu’il fallait assumer et tirer bénéfice de cette coïncidence.

KAI: Qu’est ce que l’on peut chanter sauf les ordinaires, s’il n’y a pas de créations vieux-romaines pour cette fête contemporaine ?

— Établie en 1925 par le pape Pie XI, cette solennité, n’a évidemment pas de musique dédiée dans les répertoires anciens. Mais ceci n’est pas un obstacle, car il existe dans le répertoire de nombreux chants qui font référence à la royauté universelle du Christ.

KAI: La fête du Christ Roi après les reformes liturgiques postconciliaires non pas seulement se passe dans un autre jour, mais porte aussi des accents un peu différents de ceux décrits par Pie XI dans ça encyclique „Quas primas” qui a annoncé cette fête.

— De plus cette célébration est multiforme, dans le sens qu’elle nous projette vers des horizons inattendus. Dans le contexte des années 1920, il s’agissait de rappeler que le Christ devrait se trouver au centre des relations sociales et politiques. Pie XI avait très bien compris que l’oubli de cette loi fondamentale conduirait les hommes vers les catastrophes totalitaires que malheureusement le 20 ème siècle a connues. Depuis Vatican II l’horizon a été élargi vers une vision cosmique de la royauté du Christ afin d’élargir les consciences vers les réalités christiques qui, bien que traversant le destin de l’humanité, rayonnent dans tout l’univers.

KAI: Quoi d’attirant un homme contemporain trouvera dans la musique si ancienne, laquelle vous proposez ?

— Le fait de chanter cette solennité aujourd’hui en utilisant l’un des plus anciens répertoires que nous avons conservé – le chant dit vieux-romain – nous ouvre de nouveaux horizons, ceux de la permanence des actes oratoires.

Depuis Vatican II beaucoup ont cru que pour prier et célébrer en relation avec le temps présent, il suffisait de donner une forme contemporaine aux expressions artistiques. Or, le fait d’accorder une quasi exclusivité à ces expressions passagères et éphémères a éloigné les fidèles de la dimension extratemporelle de toute célébration. Un rite tire sa substance d’une mémoire. C’est ce qui est exprimé au centre même de la célébration eucharistique par ces paroles : vous ferez ceci en mémoire de moi. Ainsi, le rôle premier de tout rite est de conduire les célébrants et les fidèles au seuil d’une mémoire à laquelle chacun pourra communier selon ses propres degrés de grâce, de connaissance où de conscience de la pertinence de ce qui survient.

Ainsi, en cette solennité du Christ Roi et Maître du temps, du Cosmos et des Destinés de l’Église, convoquer – par le truchement du répertoire romain de l’Antiquité tardive – la grande mémoire du chant ecclésiastique nous relie directement à la source de toute célébration : le mystère immémorial du sacerdoce royal de Melchisédech, au-delà de Rome, du Temple de Jérusalem et des mystères que les Hébreux ont reçu de l’Égypte ancienne et des civilisations mésopotamiennes.

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Marcel Pérès est compositeur et historien de la musique; il a fondé l’ensemble Organum en 1982 et dirige depuis plus de trente ans diverses structures de recherche sur la mémoire musicale et sa mise en œuvre. Il a enregistré une quarantaine de disques, et écrit plusieurs livres et articles. Il s’ntéresse particulièrement à l’histoire des rites au travers du chant. Marcel Pérès cherche à comprendre pourquoi et comment les hommes font et ont fait de la musique. Son pèlerinage dans les méandres de la mémoire musicale l’a conduit à explorer toutes les formes musicales de l’antiquité tardive jusqu’à l’aurore du XXIe siècle.

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Współczesne formy oddalają od ponadczasowego wymiaru celebracji